DU 26 avril 2001 au 26 avril 2024, cela fait exactement 23 ans depuis que le CICR avait perdu ses 6 agents de terrain sur l’axe Fataki – Djugu dans des circonstances non élucidées.
En mémoire de ces 6 agents du CICR lâchement assassinés, la rédaction du Journal Les Coulisses s’est, fait le devoir de rappeler à ceux-là qui n’étaient pas encore nés comment cette scène macabre s’était déroulée pour réveiller la conscience des uns et des autres enfin que pareil crime ignoble ne se répète plus jamais.
Pour la petite histoire. Tenez.
Après une très laborieuse à Rethy et Kpandroma, Secteur Lendu, 6 délégués du CICR basés à Bunia gagnent le Centre de Fataki le mercredi 25 avril 2001 pour la nuit chez les Hema. Julio Delgado ressortissant Colombien ( 54 ans) y arrive à bord d’une jeep 4×4 Land cruiser avec son collaborateur Une Ufoyrwith et le chauffeur Jean Molokobange tous deux congolais.
Ils sont suivis de près par la deuxième jeep 4×4 de même type occupée par Rita Fax ( une Suissesse de 36 ans), et sa collaboratrice Véronique Saro( la trentaine visible), conduite par le chauffeur Aduwe Bboli. Les compagnons de Rita sont également congolais.
Leur nuit passée au Petit Séminaire de Fataki est sans problème. Le jeudi 26 avril après un déjeuner, démarre le travail d’évaluation pour lequel Julio ( Secours) et Rita ( Santé) séjournent en Ituri.Vers 11 heures ils signalent par radio leur position et promettent de rappeler avant de quitter Fataki, après la rencontre avec le Comité de paix local.
Cet appel sera malheureusement le dernier. Partis de Fataki sans signal radio aux environs de 13 heures, selon les premiers éléments d’enquête, les deux équipes n’ont plus répondu à tous les appels de différentes Bases du CICR.
Les 6 délégués seront découverts morts d’une mort violente entre Fataki et Djugu Centre, au niveau de Alur dans le localité Lendu de Jitso, non loin de leurs véhicules incendiés.
Les victimes auraient été tuées par balles puis tailladees à l’arme blanche.La nouvelle de cette horreur fera le tour du monde avec le retour des corps à Bunia, d’où 5 seront reconduits vers leurs familles respectives. L’ émotion était grande à Bunia, parmi les organismes humanitaires et dans la population, comme ailleurs dans le monde. Le FLC par la bouche de son Président Jean-Pierre Bemba, a promis de tout faire pour mettre la main sur les auteurs de ce crapuleux assassinat avec promesse d’une prime de 50.000 USD à toute personne qui aiderait à les dénicher. Les services de sécurité militaire et civils, tout le monde, le Parquet de Bunia, doivent désormais trouver des réponses précises à ces questions :
_ Qui a tué les 6 agents du Comité International de la Croix-Rouge et pour quelle raison ?
_ Pourquoi seulement le CICR et pas les autres organismes opérant sur le même terrain ?
_ Pourquoi le silence radio avant le départ de Fataki et face au danger ?
Les enquêteurs ont du pain sur la planche étant donné la complexité du milieu, mais devront explorer toutes les pistes pour ne pas tomber dans les accusations gratuites.
La piste Hema-Lendu est sans doute la première aux yeux des enquêteurs pour deux raisons : Ces deux communautés s’affrontent depuis mai 1999 dans cette région et elles se sont mutuellement rejeté les responsabilités comme le 7 mai dernier devant la délégation des Nations Unies qui conduisait M. Bourri Sahnoudi, Coordonnateur humanitaire et Représentant Résidant de l’ONU en RDC. Les Hema ont dénoncé » 36 violations de l’Accord de paix par les Lendu qui, à leur tour ont accusé les Hema d’ attaquer leurs déplacés qui tentent de regagner les villages.
Mais qui pouvait bien attenter à la vie des agents du CICR alors que cet organisme assistait les nécessiteux de deux côtés ? Surtout que tout était apparemment rentré dans l’ordre après les premiers incidents entre les Hema et certains organismes d’aide dont MSF/ Hollande et le même CICR. Et l’on se souviendra de la mission des humanitaires conduite depuis Goma par Charles Pétrie et sa réunion à l’ hôtel Lusakivana.
A ce niveau seuls les enquêteurs peuvent, après examen de la distribution de l’assistance du CICR aux deux groupes armés rivaux c’est risquer d’orienter les soupçons vers les Hema ou vers les Lendu : si et seulement si des indices sérieux existent.
Notons que Hema et Lendu exigent tous une enquête sérieuse, si pas internationale pour les départager.
La seconde piste est celle des bandits armés qui opèrent sur nos routes, habillés en tenue militaire comme ceux ayant fauché les jeunes commerçants Calvin et Udaga.Il n’est pas exclu que certains militaires indisciplinés ou déserteurs, congolais ou ougandais, commettent un crime crapuleux sur des humanitaires présumés détenir devises. Un convoi de deux jeeps CICR avec des blancs était donc facile à cibler. Mais, pourquoi des bandits auraient-ils chercher à simuler une attaque par machette après avoir tué par balles ? Pourquoi n’ont-ils pas pris les effets des victimes ? Si ce sont des soldats réguliers et disciplinés, Ils doivent avoir obéi à un ordre d’un Chef. Comment le savoir dans un Secteur où sont déployés des soldats congolais du FLC et Ougandais de l’ UPDF? Des enquêteurs militaires sont d’une utilité à ce niveau.
Cependant, l’énigme de la radio persiste. Pourquoi aucune voiture n’a pu signaler le danger, même si les délégués avaient oublié d’annoncer leur départ comme promis ? La première piste comme la seconde aurait pu être abordée de façon éclairée si la radio avait opéré. Enfin, certains observateurs n’excluent pas l’action intelligente de haut niveau en rapport soit avec la guerre du Sud- Soudan, soit avec la guerre du Congo. Action qui serait destinée à stopper un processus militaro- diplomatique en discreditant un des principaux acteurs. Quitte à choisir la cible à grand effet psychologique, le lieu et le moment. En l’ occurrences un organisme humanitaire comme le CICR en pleine activité sur un terrain où la diversion comme le conflit Hema- Lendu ou du Soudan serait facile à trouver. L’ attaque en mai d’un avion du CICR en mission au Sud- Soudan peut s’interpréter de cette façon et permettre aussi de comprendre le cas vécu par le CICR entre Djugu et Fataki le 26 avril 2001.
En effet, le rapprochement diplomatique entre Kampala et Khartoum, ainsi que le désengagement militaire de Kampala en RDC ne peuvent pas être apprécié par certains milieux qui vivent de ces deux guerres.
Le réchauffement entre El Béchir et Museveni signifierait à échéance donnée, le retrait de l’appui militaire de l’Ouganda aux hommes de John Garang. Et la présence des humanitaires est souvent gênante pour tout celui qui joue au » trouble-fête ».
Surtout en ce moment où les congolais, tous unanimement sont décidés de sortir leur pays de la GUERRE.
J.A. Muhemedi Kongolo